Les grands acteurs du commerce français réunis à Cannes n’ont pas mâché leurs mots. S’ils reconnaissent que le e‑commerce fait désormais partie du jeu, ils refusent en bloc le modèle ultra-low cost incarné par Shein. Le débat s’est invité cette semaine au MAPIC, le salon international de l’immobilier commercial.
À Cannes, les professionnels du commerce montent au créneau ! Face à la montée en puissance du géant chinois Shein, qui ouvre sa première boutique physique ce mercredi 5 novembre au BHV de Paris, les professionnels du commerce et de l’immobilier commercial appellent à la responsabilité. Intégrer le digital, oui, mais pas à n’importe quel prix.
“Heureusement, il n’y a pas que Shein dans la vie”, a lancé à l’AFP Marie Cheval, PDG de Carmila et présidente de la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (FACT). “Il y a 800 centres commerciaux en France, on démontre tous les jours qu’on fait venir des clients sans avoir besoin de Shein.”
Un e‑commerce assumé mais plus responsable
Pour les représentants du secteur, la révolution numérique ne doit pas effacer les règles du jeu. “On n’est ni contre l’e‑commerce, ni contre les marques qui s’adressent à des populations plus populaires. On est contre le modèle de Shein de sur-subvention de produits qui viennent de Chine et qui ne respectent aucune règle”, a‑t-elle martelé. Un message largement applaudi par les acteurs du retail présents au sein du Palais des Festivals de Cannes pour la 30e édition du Mapic.
Les foncières comme Apsys, qui gère notamment Beaugrenelle à Paris ou Canopia à Bordeaux, misent sur une autre approche. “C’est sûr que ça valorise le commerce physique, mais ces DNVB, elles ont une charte, elles ont une éthique, elles fabriquent quelquefois également dans nos territoires”, souligne Maurice Bansay, son président. Ces jeunes marques nées en ligne ouvrent des boutiques éphémères dans les galeries, créant une passerelle vertueuse entre digital et local.
Les centres commerciaux face aux géants du web
Pour Alain Taravela, fondateur d’Altarea, qui exploite notamment Cap3000 près de Nice, la bataille ne fait que commencer. Selon lui, “l’expérience de Shein au BHV ne va pas marcher”. Mais il prévient : “Il y aura d’autres Shein. Vous avez Alibaba, Amazon… Ces plateformes qui ont des dizaines de millions de clients ont envie de s’étendre et elles vont vouloir venir chez nous.”
Une situation que le promoteur juge inévitable. “Est-ce que c’est une chance ? Est-ce que c’est un risque ? Je n’en sais rien. Mais ça va être une réalité.” Pour autant, il rappelle que les commerces physiques tiennent toujours bon. Malgré l’essor du numérique, ils conservent leur attrait. “Ce n’est pas du tout ce qui s’est passé. Au contraire. Donc le e‑commerce est une chance pour le commerce. Mais pas des acteurs qui ne respectent aucune règle”, rappelle Marie Cheval.
Et si la solution passait par l’union du vieux continent ? Pour Antoine Grolin, président de Ceetrus, la filiale immobilière d’Auchan, il est temps de “créer un acteur de référence européen, où toutes les entreprises respectent les accords de Paris sur le climat”.
Il plaide pour “un Ali Baba ou un Amazon européen” capable de rivaliser avec les géants mondiaux tout en respectant les valeurs du marché. Un défi colossal, mais nécessaire selon lui : “Les consommateurs veulent du pas cher. C’est vrai. Mais ils veulent du responsable.”
