Depuis le 12 octobre, le passage aux frontières extérieures de l’Union européenne ne ressemble plus tout à fait à ce que les voyageurs connaissaient. Le Système d’Entrée/Sortie, plus connu sous l’acronyme EES, est désormais en place. Et, comme souvent avec les grands chantiers numériques, la transition n’est pas sans heurts.
“Les premiers jours ont été très contrastés”, observe Sébastien Couix, fondateur et CEO de l’agence Visamundi, une agence spécialisée dans les formalités de voyage. “Certains aéroports ont géré la bascule avec une étonnante fluidité, tandis qu’ailleurs, les files s’allongeaient jusqu’aux zones d’enregistrement. À Roissy, on a vu des voyageurs patienter plus d’une heure devant les bornes biométriques, parfois sans trop comprendre ce qu’on attendait d’eux.”
À Prague, un incident technique a brièvement paralysé les contrôles automatiques : “Les agents ont dû repasser en mode manuel. Résultat, tout le flux s’est retrouvé bloqué. Une file interminable, des explications à répétition, et des visages fatigués de part et d’autre”, relate-t-il. La Tchéquie avait fait le pari de tout déployer le premier jour.
Une famille française, déjà enregistrée la veille, a découvert à ses dépens que l’empreinte biométrique doit être reprise à chaque nouvelle entrée dans l’espace Schengen. Une subtilité que même certains agents n’avaient pas encore totalement intégrée.
Pour Sébastien Couix, cette phase de rodage était inévitable : “C’est une évolution nécessaire, mais elle demande une vraie pédagogie. Nous conseillons désormais à nos clients d’arriver deux bonnes heures à l’avance pour les vols internationaux, surtout ceux avec correspondance. Le pire, c’est l’imprévu : un contrôle un peu plus long, un scanner qui bloque, et c’est toute une journée de travail qui peut être compromise.”
Derrière les couacs du démarrage, le EES poursuit un objectif clair : suivre plus finement les entrées et sorties des ressortissants non européens, limiter la fraude documentaire et fluidifier à terme le passage aux frontières grâce à l’automatisation.
Mais pour les voyageurs pressés, la promesse paraît encore lointaine. « On a eu des retours d’hommes d’affaires qui ont dû racheter leur billet faute d’avoir anticipé ces délais, ou de familles séparées dans les files. Ce sont des ajustements, mais ils ont un coût humain réel », souligne le dirigeant.
Dans le sillage du EES, l’Europe prépare déjà son deuxième grand dispositif : ETIAS, prévu pour entrer en vigueur à la fin de 2026. Sébastien Couix le résume : “Ce sera une autorisation préalable de voyage, un peu sur le modèle du système américain ESTA. Elle concernera les voyageurs qui n’ont pas besoin de visa, mais devront tout de même obtenir cette autorisation avant de partir.”
La demande se fera intégralement en ligne, avec une réponse dans les 96 heures en moyenne. Une démarche simple en apparence, mais qui ajoute une couche administrative pour les touristes, les étudiants ou les voyageurs d’affaires habitués à des séjours fréquents.
L’association du EES et d’ETIAS marquera, selon Sébastien, un tournant majeur dans la gestion numérique des frontières européennes : “On entre dans une ère où tout sera tracé, automatisé et contrôlé avant même le départ. C’est un progrès, à condition que l’expérience reste fluide.”
Depuis le lancement du dispositif, Visamundi centralise des dizaines de témoignages d’usagers. Certains racontent des files interminables à Francfort, d’autres des passages étonnamment rapides à Madrid ou Amsterdam.
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“C’est là qu’on voit la disparité : d’un pays à l’autre, d’un aéroport à l’autre, l’expérience change du tout au tout. Notre rôle est justement d’agréger ces retours, d’en tirer des conseils pratiques et d’aider les voyageurs à s’adapter”, résume Sébastien Couix.
